À nous la rue!
"À nous la rue!" là ou la les classes sociales se rencontrent.
Cette recherche porte sur La rue comme lieu d'expression du pouvoir; comment et pourquoi on s'approprie la rue, notamment lors de manifestations?
"Figure multiple, figure mythique aussi, la rue est au fondement de l'espace public urbain qu'elle traverse et qu'elle irrigue de la circulation des hommes et des marchandises. Elle est un lieu de sociabilité ouverte que s'approprient différemment les individus et les groupes selon des règles de coexistence modulées par un jeu de distance et de proximité. Elle est le lieu où l'on fait l'expérience de la diversité" (Brody, 2005).
Quelles sont les dimensions spatiales des rues pouvant favoriser leur appropriation lors de manifestations?
Quel est le rôle des monuments, lieux de pouvoir, parcs et lieux emblématiques dans le choix de trajet de manifestations?
Comment les réglementations en place peuvent affectés les types et trajets de manifestations, au Québec?
Bibliographie
Inventaire cartographique
À propos
Recherche menée par Marguerite Paré
M. Sci. DU A2025
Iconographie
« Le pouvoir est aussi fragile que les lieux où il s’exerce ».
(Noël et Bélair-Cirino, 2019, p.10)
Accueil
Carnaval de Québec, ONF, 1956.
Rue (n. f.)
(latin ruga, ride du visage)
1. Voie de circulation routière aménagée à l'intérieur d'une agglomération, habituellement bordée de maisons, d'immeubles, de propriétés closes : Habiter rue du Montparnasse. Les scènes de la rue.
2. Ensemble des habitants, des commerçants, des maisons qui bordent une telle voie de circulation : Toute la rue est au courant.
(Larousse)
"[…] la rue,
Ruisseau des solitudes."
(André Pieyre de Mandiargues, via Larousse)
2. La rue, espace de l'agitation politique, des guerres, des luttes.
Combats de rue.
Manifester dans les rues.
... Descendre dans la rue.
- Le peuple, les gens de la rue, la population des villes prête à s'insurger.
« En début de semaine, le pouvoir a vacillé sous la pression de la rue » (Le Soleil, 2004).
Ruelle (n. f.)
1. Petite rue étroite.
Synonyme : venelle
(Larousse)
Étymologie
Rue (n. f.)
Vers 1050 (in TLFi); du latin ruga « chemin bordé de maisons ».
(Usito, UdeS)
Lexique
Plan de rédaction
Exercices de recherche
Énoncé de recherche
Guide des thèmes abordés
Principaux critères qui guident le choix des rues
Proximité des lieux symboliques ou de pouvoir
Démographie (dimension sociale du ou des quartiers)
Accessibilité et connectivité des axes
Fonction et vocation de la rue
Aspect physique de la rue; limites, largeur, hauteur du bâti, seuils
Déterminants politiques et tactiques
Volonté stratégique et politique des organisateurs
Historique; répertoire d'action des mouvements sociaux
Gestion policière et régulation
Outils & Méthodes de recherche
Analyse multicritère des tracés historiques de manifestation et d'événement festifs dans la ville de Québec et d'autres villes Québécoises.
Identification des rues stratégiques et symboliques à l'aide de la banque de photos flickr libre de droits et géoréférencés à notre disposition dans le cadre de cette recherche (Répertoire produit par Michael R. Doyle).
Étude des pratiques d'appropriation:Description des usages et répertoire d'action associés à chaque type d'événement pour déterminer les rôles du cadre bâti et de la régulation sur les rues choisies.
Analyse comparative des facteurs identifiés:Mise en évidence par le dessin de certains éléments spatiaux qualifiant les rues ou se déroulent les manifestations pour expliquer le choix de l'utilisation d'une rue plutôt qu'une autre.
Cadres théoriques
L'image de la cité (Lynch) Outils de compréhension de la ville; ici emprunté pour analyser les trajets de manifestations.
Responsive environments (Bentley et al.) Manuel de design de l'espace public. On y présente plusieurs éléments à prendre en compte pour le développement d'un espace complet
Cadre de l'espace public (Habermas) L'espace public comme un espace de débat, de visibilité citoyenne et d'expression collective.
Théories de l'appropriation spatiale (auteurs variés) Logique bidirectionnelle; les citoyens transforment l'espace par leur fréquentation de l'espace, tout en étant modelé par les caractéristiques existantes de l'espace fréquenté.
Justice spatiale et droit à la ville (Lefebvre) critique de l'accès équitable à l'espace urbain et notion de coproduction de l'espace par la participation citoyenne à la vie publique. La participation citoyenne est mis au cœur de la réflexion sur la rue comme lieu d'expression du pouvoir. + concept d''empowerment" citoyen.
Méthodologie
Lexique
1. Définition de l’objet de recherche
« Le pouvoir est aussi fragile que les lieux où il s’exerce ».
(Noël & Bélair-Cirino, 2019, p. 10)
La présente recherche porte sur la rue comme lieu de pouvoir public. Je m’intéresse ici à la rue comme espace d’agitation politique; le lieu où toutes les classes se rencontrent, l’espace que d’emblée tous doivent partager. On y retrouve toutes sortes de manifestations, qu’elles soient festives ou revendicatrices. L’essai s’appuie de la pensée d’Henri Lefebvre et sur les outils d’analyse urbaine de Lynch. Lefebvre avec Le droit à la ville souhaite présenter la ville comme un lieu de pouvoir, où les acteurs privés et publics s’expriment et, où certains abus de pouvoir, restreignent le droit de certaines pratiques sociales dans un espace qui devrait leur être destiné. Cette vision rejoint les propos de Grinceri qui présente l’espace comme une ressource de pouvoir dans lequel, les outils d’organisation sont l’architecture, l’urbanisme et le design. La rue est le principal lien spatial entre ces disciplines. Elles y ont un important rôle à jouer dans la promotion de certaines identités dans la ville, parfois aux dépens d’autres (Grinceri, 2016, p. 209). Pensons simplement aux automobilistes qui ont été grandement favorisés dans l’aménagement des rues nord-américaines au cours du siècle dernier. Ces mêmes rues sont aussi empruntées lors de manifestations (Casey, 2022, p. 195). L’expression « À qui la rue? À nous la rue! » souvent scandée, au Québec, lors de ces rassemblements démontre ce désir d’appropriation de l’espace dédié à l’automobile, par les piétons. Cette appropriation est désirée pour créer un aspect de contrevenants aux normes établies qui est souhaité pour prendre position dans l’espace public, notamment dans la rue. Ces tactiques de rébellion sont théorisées dans l’ouvrage Rebel Cities de David Harvey; l’impact politique est généré en déplaçant des corps dans un espace ne leur étant pas réservé (Harvey, 2012, p. 161). En outre, la forme urbaine et les qualités de visibilité et de lisibilité d’une rue peuvent contribuer à faciliter, ou non, les manifestations citoyennes. J’examinerai donc; comment ces qualités semblent correspondre à certaines variations dans le choix des trajets.
La prise de parole dans l’espace public « […] donne une forme à l’appel, à la voix, au désir, à notre engagement dans l’existence » comme l’explique l’auteure Anne Durfourmantelle dans L’éloge du risque (2024, p. 136). Cet intérêt pour les formes de pouvoir dans l’espace public guide ma démarche, car cet espace est constamment partagé entre ses usagers et peut être utilisé comme outil de production ou comme le produit de relations sociales. Ce parallèle est présenté comme un résultat physique, mais il semble vrai lorsqu’on réfléchit à l’espace comme un vecteur des voix du peuple; dans le phénomène de manifestation, lorsque l’appropriation de l’espace (physique) est l’outil pour générer de l’espace (politique) dans le discours (Dovey, 2009, p. 6). Cette situation place l’espace dans la relation entre la spatialité et la socialité ((Lefebvre, 1991, p.26) dans (Dovey, 2009, p. 6)). Le lien entre l’espace et le discours a été amplement théorisé par Foucault (1991, p.246 dans (Grinceri, 2016, p. 6‑7)), selon lui ; l’espace dicte certains référents culturels qui se traduisent en comportements dans l’espace public. Le trouble de ces codes et de ces normes dans la spatialité urbaine est un moyen de pression pour faire basculer certains pouvoirs. En effet, comme l’explique Bratich dans Foucault, cultural studies, and governmentality; « [d]ire que le pouvoir est exercé ou pratiqué, implique […] que le pouvoir nécessite la discipline et la régularité ainsi que l'activité et la liberté des individus » (Bratich et al., 2003, p. 168). Par exemple, la laïcisation de la rue qui s’est opérée au courant des 19e et 20e siècles en France illustre comment certaines formes d’exercice du pouvoir ont transformé l’espace public en excluant l’Église au moyen de réglementations (Brody, 2005, p. 69‑70). Ce qui relevait auparavant des célébrations religieuses est considéré aujourd’hui comme des actes revendicateurs.
Dans cet essai, je m’intéresserai notamment de l’aspect législatif pour répondre à la question de recherche : quelles sont les dimensions spatiales des rues pouvant favoriser leur appropriation lors de manifestations? Et quels éléments urbains semblent orienter le choix des tracés de manifestation? J’examinerai également comment certaines réglementations pourraient infléchir le choix des rues emprunté lors de manifestations au Québec. Actuellement, le droit de manifester est protégé, mais certains règlements municipaux encadrent la tenue de rassemblement. C’est le cas du R.V.Q. 2817 de la ville de Québec (2023) qui permet un contrôle accru des tracés empruntés lors de ces événements. Je m’interrogerai enfin sur la manière dont ces itinéraires imposés (ou négociés) pourraient modifier le sens politique d’un événement ? Ces éléments seront abordés en conclusion de l’essai, dans une analyse des dimensions politiques et tactiques des rues de manifestations.
La recherche s’inscrit dans une volonté de comprendre un phénomène plutôt que de résoudre une problématique opérationnelle propre au design urbain. Mon intention est de cerner les qualités urbaines qui caractérisent les tracés ou tronçons de rue privilégiés pour des manifestations. À terme, cet essai vise à réaliser en quoi les qualités spatiales d’une rue semblent façonner le type d’événement politique urbain susceptible de s’y produire. Cette recherche pourrait fournir des outils de compréhension et de design de rues complètes (complete streets), c’est-à-dire des rues favorables aux événements démocratiques, puisqu’appropriables par l’ensemble des usagers. Le concept des complete streets présente une méthode de développement des rues plutôt qu’une forme définie. Son objectif est d’offrir des rues pour tous, où les usagers de la route se sentent en sécurité et responsabilisés envers l’espace viaire (New Jersey Department of Transportation, 2012). Je jumellerai ce concept aux éléments urbains présentés par Bentley dans Responsive environments : a manual for designers. Bentley et ses collègues rappellent que « le design des espaces affecte les choix que les gens peuvent faire ». Ils présentent notamment des qualités importantes à notre analyse telles la robustesse, la variété, la personnalisation et la perméabilité (Bentley et al., 2012, p. 9). Je mettrai ces notions en relation avec les outils de compréhension urbaine de Kevin Lynch afin d’enrichir l’analyse des effets de la forme urbaine sur l’occupation viaire. Par exemple, Lynch dans L’image de la cité utilise le terme Repères (« Landmarks ») pour désigner les éléments significatifs situés en marge des tracés. Ceux-ci constituent des points phares susceptibles d’orienter les trajets de manifestations (Lynch, 1998) (Annexe 2, figure 3). Son ouvrage L’image de la Cité, servira aussi de cadre théorique pour examiner dans quelle mesure certains éléments physiques de la rue (largeur, hauteur des bâtiments, profondeur des trottoirs, etc.) semblent correspondre à des variations dans l’appropriation collective de la rue. L’hypothèse de cet essai est que la lisibilité et la visibilité des voies (« Paths ») (Annexe 2, figure 3) pourraient être associées au choix des trajets, en favorisant ceux qui sont les plus fréquemment empruntés et les plus visibles. L’inventaire que nous dresserons pour cette recherche nous permettra de quantifier cette connexion.
2. Méthodologie envisagée
Afin de mieux comprendre les décisions stratégiques et politiques qui guident le choix des trajets de manifestations de rue et les types d’activités politiques qui en découlent, je développe une méthodologie en deux volets complémentaires. Les outils d’analyse empruntés seront à la fois statistiques et qualitatifs.
En premier lieu, je réaliserai un inventaire exhaustif des trajets de différentes manifestations et fêtes de rues à Québec et Montréal. Une méthode similaire est employée dans l’article « Objective vs. subjective measures of street environments in pedestrian route choice behaviour: Discrepancy and correlates of non-concordance » de Shatu & al. Dans cet article les auteurs dressent un portrait détaillé des rues en utilisant des outils tels l’audit virtuel de rue (virtual street edit) et Google street view pour examiner visuellement les rues et en déterminer les éléments affectant le choix des trajets (Shatu et al., 2019, p. 5‑13). Les données récoltées sont à la fois quantitatives et qualitatives. Pour la présente recherche, j’adapterai cette approche en mobilisant d’autres sources de données. Plus précisément, je m’appuierai sur un ensemble de 800 000 photographies Flickr provenant de la banque de données géospatiales collectées à l’échelle de la province du Québec, dans le cadre de la recherche Masques du génie du lieu dirigée par Michael R. Doyle (2024). Les photographies, prises sur ou à proximité des rues, donc dans l’espace public, sont regroupées en thèmes visuels (Annexe 1, figures 1 et 2). Une fois réuni en thème visuel par l’algorithme, sous forme de neurones ou Best Matching Unit (BMU), j’effectuerai le classement des BMU pertinents. Ce recensement me permettra d’identifier quatre types de manifestations : les événements festifs (festivals de rue), les défilés ou parades, les manifestations revendicatrices et les défilés militaires (annexe 1, figure 1). Les photographies individuelles comprises dans les regroupements pourront ensuite être retracées, à l’aide du logiciel de cartographie QGIS. Je pourrai ainsi cartographier les chemins plus fréquemment photographiés lors de manifestations (annexe 2, figure 4). Les données géographiques recensées nous permettront d’identifier les principales rues empruntées lors d’événements manifestes.
L’inventaire statistique ainsi constitué, me servira à classifier ces rues selon leur profil statistique en lien avec les types de manifestations qu’elles semblent favoriser. Ce regroupement de données associées à chaque rue permet de développer un index viaire; une classification des rues par type d’événements s’y produisant. Il s’agit du point de départ pour rassembler certains critères spatiaux, temporels et réglementaires qui encadrent l’organisation de rassemblements dans l’espace public. En deuxième lieu, j’effectuerai une analyse qualitative des rues recensées en mobilisant cinq éléments de l’ « imageabilité » définie par Lynch. Cette étude approfondie vise à répondre à la question de recherche; quelles sont les dimensions spatiales des rues pouvant favoriser leur appropriation lors de manifestations? À cette étape, afin d’enrichir la compréhension des différents types d’activités et des tracés sur lesquels elles se déploient, je dresserai un inventaire des trajets de manifestation provenant de sources publiques : groupes Facebook, sites web d’organisations militantes, pages web d’organismes gouvernementaux ou encore archives de parcours publiés lors d’événements antérieurs. C’est notamment à travers ces outils que je validerai certaines hypothèses relatives aux réglementations ou consignes émises par les organisateurs concernant les tracés.
BMU_811 - Flickr, 2025.
Schémas de Lynch, Marguerite Paré, 2025.
Plan de recherche